Astuce de montage : décrire un plan à l’oral pour le raccourcir

Je le répète tout le temps : il faut monter court. Faire des plans courts. Faire des vidéos courtes. Sinon, le spectateur s’ennuie. Je suis tombé par hasard il y a peu sur une petite astuce permettant de prendre du recul sur son montage. Je me suis rendu compte que je l’utilisais sans m’en apercevoir et je la trouve très intéressante, c’est pourquoi je la partage ici.

Voici l’astuce :

Si vous vous demandez si un plan est trop long, décrivez à l’oral et à un rythme normal en quelques mots ce qu’il s’y passe. Si le plan continue alors que vous avez fini votre description, c’est qu’il est trop long.

En fait, cette gymnastique est faite de manière inconsciente dès qu’on regarde une oeuvre audiovisuelle : on se décrit intérieurement ce que l’on voit. Ici, on parle de l’expliciter vocalement.

Exemples

Ci dessous un plan court et un plan plus long  avec leurs description orales respectives pour justifier leurs longueurs.

Plan extrait du récapitulatif de la conférence ADDC :

Il marche vers le pupitre

Plan issu d’un court métrage que j’ai réalisé il y a 4 ans :

Le joueur s’avance. Il prend sa position. La boule part loin en l’air. Elle retombe et prend le point.

Et dans l’autre sens ?

La réciproque de cette règle n’est pas nécessairement vraie : si vous n’avez pas fini de décrire un plan alors qu’il est terminé, cela ne veut pas forcément dire qu’il est trop court. Pour détecter un plan trop court, on va surtout faire confiance à nos yeux : est-ce qu’on a l’impression que ça va trop vite, que l’image « saute », qu’il y a une sensation de disque rayé ?

Certains films à grand spectacle jouent justement sur ce trop plein d’informations à l’écran (plans très chargés + montage resserré) pour susciter l’excitation chez le spectateur, en commençant à lui donner ce qu’il veut puis en passant à un autre plan tout aussi impressionnant avant que le plan courant ait pu totalement « satisfaire ». C’est ce que fait constamment Michael Bay par exemple. Par contre, le montage « ultra-cut » peut s’avérer contre-productif lorsqu’il n’est pas justifié. En guise d’exemple, cet hallucinant extrait de Taken 2 (ou 3 ? Je ne sais pas), avec Liam Neeson qui franchit une clôture en 14 plans :

Vous pouvez aussi vouloir rallonger un plan pour vous adapter à l’audience cible de votre film, ce que l’on va voir dans le prochain paragraphe.

S’accorder à votre public

La description que l’on fait d’un plan dépend de notre rapport à celui-ci. Certains plans peuvent aussi bien être décrits en quelques mots qu’en plusieurs phrases. Pour une oeuvre de fiction, tous les spectateurs auront plus ou moins le même rapport initial au film. Mais pour une vidéo de mariage par exemple, vous aurez plusieurs types de gens la visionnant :

  • Les mariés
  • La famille proche
  • Les amis
  • Le reste des invités
  • Les gens qui n’étaient pas présents au mariage
  • Les inconnus

Ainsi, en prenant l’exemple du plan suivant, on peut imaginer sa description de manière plus ou moins longue selon le niveau d’implication de la personne dans le mariage :

La mariée se dirige vers le marié. Ils s’embrassent.

OU

Le marié attend la mariée le dos tourné, dans son beau costume bleu. Il est fébrile et impatient. Elle se dirige vers lui en souriant dans sa belle robe blanche, au milieu du parc. Elle lui tapote sur l’épaule, il se retourne. Il la découvre, ébahi. Ils échangent un sourire. Ils s’embrassent.

Evidemment, plus la personne qui visualise le plan est impliquée dedans, plus elle en fera une longue description et sera donc à même de « supporter » et même de vouloir un plus long plan.

Il est ainsi important dans ce genre de cas de tenir compte des attentes du type de public que vous ciblez. C’est pourquoi dans le cas d’un mariage, je réalise plusieurs vidéos ayant des niveaux de détails différents, afin de contenter le plus de personnes possible. A noter qu’une vidéo aux plans courts pourra aussi satisfaire les mariés sur le long terme : dans les jours suivant le mariage, ils sont demandeurs de durée et veulent tout voir en détail. Mais avec le temps qui passe, ce besoin s’estompe, et il devient alors bien commode d’avoir à sa disposition une vidéo beaucoup plus synthétique.

Tenir compte du contexte

La durée d’un plan se détermine par rapport aux autres plans qui l’entourent. Reprenons l’exemple de la rencontre des mariés : dans la vidéo complète, c’est le premier vrai plan où on les découvre en entier dans leur robe/costume. Ceci pousse à augmenter la durée du plan, le temps de les découvrir.

Pour aller plus loin

Je rajoute un principe un poil plus extrémiste que la règle dont parle cet article, auquel je tiens beaucoup : généralement, quand on se demande si un plan est trop long, à partir du moment où il y a un doute, c’est qu’il est effectivement trop long.

Prendre du recul

Evidemment, cette règle n’est pas à prendre au pied de la lettre. Il convient de moduler nos ardeurs nous poussant à couper le plus possible selon les différentes situations. Je termine en relativisant ma quête de l’efficacité et de la vitesse à tout prix avec cet extrait de La Ligne Rouge, chef d’oeuvre contemplatif, qui prend tout ce que je viens de dire à contre-pied :

Autre exemple plus concret encore : l’attaque du Tyrannosaure dans Jurassic Park.

Le montage est lent : les plans sont longs, ils commencent plus tôt et terminent plus tard que dans le reste du film. On pourrait remonter la scène en coupant plusieurs secondes au total. Cela fonctionnerait toujours sur le plan narratif, mais on perdrait toute la tension. Ce n’est pas moi qui le dit, c’est le monteur lui-même :

Montage

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