Petit florilège des pires façons de se vendre.
Spoiler : j’ai fait une bonne partie des erreurs que j’ai listées ci-dessous. Et j’en fais encore surement d’autres. Le plus important c’est de se remettre en question et de corriger le tir au fur et à mesure.
La double activité photographe/vidéaste
Ce paragraphe concerne les vidéastes qui communiquent en tant qu’indépendant/freelance, pas les agences qui ont un positionnement « communication par l’image ».
Le grand classique. La photo et la vidéo n’ont rien à voir. Ce ne sont pas les mêmes métiers, pas le même matériel, pas les mêmes contraintes, pas les mêmes enjeux, pas le même budget. C’est déjà difficile à faire comprendre à un profane, alors si en plus on se vent comme vidéaste et photographe en même temps, c’est mort.
Pour ma part, j’ai choisi : je suis nul en photo, donc j’ai vite arrêté de proposer ce service en complément des vidéos. Mais si vous êtes moins mauvais que moi, vous pouvez cumuler les deux. Il faut juste communiquer sur des supports et canaux différents. Il faut totalement séparer ces activités. Concrètement, cela revient à avoir deux sites web différents, et tout ce qui en découle.
Se présenter comme photographe ET vidéaste, ça donne l’impression qu’on bouffe un peu à tous les râteliers. On bidouille des petits trucs, on fait des petits jobs payés une misère, on survit comme on peut. On n’est expert en rien, on est juste moyen en tout.
Je trouve qu’il y a une exception à tout ce que je viens de dire : par exemple, les duos photographe/vidéaste de mariage. Ici, la spécialité du prestataire c’est avant tout le mariage, et il propose un package vidéo+photo, ce qui est cohérent. On a un site web qui est dédié à un domaine bien précis, qui cible correctement son audience et qui propose deux services complémentaires adéquats. On peut imaginer le même genre d’offre par exemple pour du suivi de chantiers : votre société propose de la vidéo+photo, mais uniquement sur des travaux de construction. Vous êtes la référence du domaine en proposant du timelapse, de la photo régulière, des vues aériennes, de la vidéo récapitulative, etc.
En parlant de mariages…
La double activité mariage/corporate
Le fléau. Je l’ai fait moi même à mes débuts, faute de temps pour avoir deux sites séparés, et car je savais que j’allais à terme quitter l’activité mariage : un seul site « Jean Michel Vidéaste » avec une section mariage, et une section corporate.
On retombe sur le syndrome du prestataire qui fait un peu de tout et beaucoup de rien. On se tire une balle dans le pied. Les mariés n’en n’ont absolument rien à foutre des vidéos corporate. Ils veulent le meilleur vidéaste pour filmer le plus beau jour de leur vie au ralenti avec du Ed Sheeran en fond sonore (je caricature évidemment, il y a aussi Bruno Mars). Ils s’en foutent de voir que vous avez filmé le salon du saucisson à Bourg en Bresse. Pire encore, ils vont se dire que le mariage n’est pas votre spécialité, et qu’il existe des gens bien plus à fond dans ce domaine que vous.
Mais le plus gros préjudice est du côté des clients corporate : le film de mariage, ça a souvent une sale image kitsch et cheap (à tort, mais bon). En tout cas ça n’a rien à voir avec un film d’entreprise ou une pub, et le client ne sait pas que le mariage est le truc le plus ingrat et difficile à filmer . Il ne sait pas qu’un bon vidéaste de mariage pourra filmer n’importe quoi d’autre (tant que l’on reste dans le reportage/événementiel) tellement tout est facile à côté de ça.
Il faut donc absolument éviter de parler de mariage à un client professionnel. Juste une petite exception : lorsque je dois filmer un événement de grande ampleur, il m’arrive de faire à l’oral une petite parenthèse au client en lui expliquant que j’ai commencé par filmer des mariages, et que tout autre type d’événement me parait simple à filmer depuis ça. Mais ce n’est qu’une petite phrase, on ne parle pas d’écrire en gros le mot MARIAGE sur nos supports de communication.
Mettre la passion au dessus du besoin client
Le plus gros problème des vidéastes, c’est qu’ils font ce métier par passion. A première vue ça peut paraitre beau, mais en vrai c’est ce qui les tue. La passion les amène à les aveugler et à en oublier les besoins de leurs clients.
Exemple concret : j’ai envoyé un mail à un vidéaste indépendant pour sous traiter un tournage. Je lui ai donné mes besoins exacts, le type de tournage, les images souhaitées, le tout écrit noir sur blanc. Le vidéaste m’a rappelé en me parlant de deux types de prestations de filmage qui n’avaient absolument rien à voir avec mon besoin, dont une qui était même à l’opposée de ce que je voulais. Mais ces deux prestations étaient plutôt novatrices, et techniquement excitantes quand on est un gros geek comme ce vidéaste et moi-même. Bref, j’avais beau être personnellement curieux à propos de ces sujets, j’étais professionnellement pressé de terminer l’appel.
C’est ce qu’il se passe quand on pense plus à ce qui nous fait kiffer qu’à ce qui serait bon pour le client. C’est un syndrome que j’ai déjà beaucoup trop vu dans ma précédente carrière de développeur, avec des personnes utilisant des solutions techniques beaucoup trop complexes pour des problèmes simples, juste parce qu’elles trouvaient ça fun à manipuler.
Ce cancer de la passion touche tout le reste de la carrière du vidéaste, notamment dans sa façon de gérer un projet, comme l’explique très bien ce monsieur dont je conseille fortement les vidéos :
La règle à retenir
S’il n’y a qu’une chose à retenir, c’est que le client a un besoin bien précis : même s’il ne sait pas exactement ce qu’il veut, il sait pourquoi il vient vous voir. Il faut lui parler de son besoin et rien que de ça. Lui parler d’autre chose ne fait qu’ajouter du bruit qui peut vous faire perdre le contrat.
Tout cela n’empêche pas de tenter de vendre d’autres choses une fois la confiance établie : je prends souvent la température auprès de mes clients au détour d’un déjeuner : « tiens, et pour ce produit, vous auriez pas besoin de photos pour des packshots dans les catalogues ? », ou encore « les vidéos de chantier qu’on a faites ensemble, on pourrait y ajouter un peu de motion design à tel moment pour faire passer telle idée, à garder en tête pour la prochaine ». Mais l’idée est toujours d’apporter de la valeur : il faut proposer quelque chose qui peut parler au client. Et surtout, ne pas proposer un truc cool juste pour se dire qu’on propose un truc rare sans le justifier (le drone FPV, c’est de toi que je parle).
Mon parcours et autocritique
Jetons un œil à la première entête de mon site en 2017 :
J’ai honte. Ça parle de Lyon, et puis de plein d’autres villes, et puis de toute la planète tant qu’on y est. On ne peut pas faire pire dans l’image « j’ai vraiment la dalle, j’irai partout pour pouvoir manger !’.
MARIAGES à côté de CORPORATE, bravo, gros loser. Et puis une section dédiée au drone, c’est quoi ce délire ? Ça ne raconte rien un drone. J’étais tout content d’avoir mon diplôme de télé-pilote, tout excité de voler, je me suis senti pousser des ailes (ahah) et j’en ai carrément fait une page entière. Pour certains ça peut se justifier, mais pour mon cas ça n’avait aucun sens.
Passons à la page d’accueil de la boite de production que j’ai créée depuis :
C’est mieux, c’est plus clair, ça inspire plus la confiance que le galvaudé « Jean Michel Vidéaste », ya moins de parasites. Et puis comme je l’avais déjà dit, on comprend mieux ici qu’on a affaire à une boite de production, pas un mec qui bosse tout seul. Je vois quand même quelques points d’amélioration pour le futur :
- Je fais encore trop de choses différentes. Je devrais créer un site web dédiée à la publicité et communication de marque, et un autre site dédié à la vidéo corporate « industrielle », vu qu’il s’agit des deux grands types de clients qui me rapportent du chiffre.
- la vidéo en fond du site montre des sportifs. J’aime beaucoup ce plan, mais ça n’a plus grand chose à voir avec les autres prestations que j’ai mis en avant depuis. A retirer.
- Je ne fais plus mention des villes. C’est dommage pour le référencement. Il faudrait surement créer des sous-sites par région là aussi.
Le site web : on s’en fout
Je prends beaucoup les sites web en exemple de support de communication car c’est visuel, universel et facile à expliquer. Mais la vérité c’est qu’on s’en tamponne un peu. J’ai personnellement peu de gens qui visitent mon site. Quand je donne l’adresse à un prospect, il ne va généralement pas s’y rendre et préfère directement regarder pendant 5 secondes les 2 ou 3 vidéos d’exemples (qui se rapprochent le plus de son besoin) que je lui donne directement.
Il n’empêche que tout ce travail de réflexion sur son offre nous touche à tous les niveaux, en particulier lors des discussions à l’oral, à commencer par le moment où on vous demande ce que vous faites dans la vie. Il faut le dire en quelques mots, et ces mots sont très importants. Ma réponse est en général la suivante, que j’affine selon la personne en face : « J’ai une boite de production de publicités et films d’entreprises industrielles ». Point. Puis j’élabore et développe selon les réactions de la personne en face. Ça parait simple et con dit comme ça, mais j’ai commencé par improviser des tirades du genre « Je fais de la vidéo, un peu de mariage, un peu de pub, des films d’entreprises, interviews, toussa ». Bref, je fais un peu de tout et beaucoup de rien.
Au final, cet exercice se rapproche de l’elevator pitch. Ce qui me donne envie de finir sur une légende urbaine croustillante : si vous preniez l’ascenseur avec Steve Jobs, il vous demandait quel était votre rôle chez Apple. Vous deviez répondre en une phrase concise et précise. Si vous évitiez la question ou que vous faisiez une réponse trop longue et chiante, cela voulait dire que vous étiez inutile et vous étiez viré. Je n’ai pas trouvé de trace précise de cette histoire sur Internet, même si certains articles relatent le fait qu’il n’était pas très agréable de prendre l’ascenseur avec Jobs.